L'enfant chérie du Brésil repense avec émerveillement aux 12 derniers mois
Pour Rafaela Silva, "tout a changé" en un an. Il y a précisément 12 mois que cette jeune fille, qui est née et a grandi à la Cidade de Deus, l'une des plus célèbres favelas de Rio, a ébloui les Jeux Olympiques de 2016 en remportant la première médaille d'or du Brésil.
Même si elle avait déjà été championne du monde et s'était déjà fait un nom dans le monde du judo, rien n'avait réellement préparé Rafaela Silva, 25 ans, pour ce qui allait suivre son triomphe aux Jeux Olympiques de Rio 2016.
"Partout où je vais, les gens me reconnaissent, m'arrêtent dans la rue pour me parler, me saluer et me féliciter. Ils me demandent aussi une photo, un selfie", confie Rafaela Silva, à la fois amusée et résignée.
Évidemment, elle ne s'en plaint pas mais toute cette attention a rendu sa vie quotidienne "un peu plus agitée".
J'ai réussi à décrocher une médaille d'or olympique, cela montre que d'aucuns peuvent participer aux Jeux OlympiquesRafaela Silva
Juste après son exploit, Rafaela Silva a pris de longues, très longues vacances. Cette performance du lundi 8 août 2016 est, et c'est tout à fait compréhensible, restée dans les mémoires brésiliennes tout au long du printemps et de l'été. L'attention des médias était constante, à la fois de la part de la presse nationale très fière, mais aussi de la part de la presse internationale qui tenait là un véritable conte de fées moderne.
Or Rafaela Silva souhaitait, avait besoin et avait mérité du temps pour fêter avec ses amis et en famille.
Ainsi qu'elle l'a déclaré : "Je n'ai repris l'entraînement qu'en février 2017. C'était très difficile, je n'étais plus en forme et j'avais pris du poids. Je me fatiguais très vite lors des séances d'entraînement et mes muscles me faisaient mal. J'ai même songé à abandonner."
Rafaela Silva rit, comme pour confirmer que même si elle l'avait voulu, abandonner n'était pas une option pour l'enfant chérie du Brésil. Heureusement, sa solide équipe composée d'un nutritionniste, d'un préparateur physique et d'un entraîneur, l'a remise sur les rails. La perspective des Championnats du monde 2017 de la Fédération internationale de judo (IJF) à Budapest, Hongrie, lui a donné l'impulsion nécessaire.
"Désormais je m'entraîne six heures par jour", ajoute-t-elle. "L'objectif à long terme est d'arriver aux Championnats du monde (fin août) au meilleur de ma condition physique."
Déjà six mois depuis la reprise et elle ne se débrouille pas si mal, classée deuxième mondiale dans la catégorie des - de 57 kg. Sumiya Dorjsuren de Mongolie, numéro un mondiale, que Rafaela Silva avait battue au cours de cette finale qui a changé sa vie dans la Carioca Arena il y a douze mois, est donc seule devant elle au classement.
Passer de bronzer sur la plage de Copacabana à se mesurer à nouveau aux meilleures athlètes du monde est un progrès qui a été accompli dans des circonstances plutôt agitées. Rafaela Silva est toujours très attachée à l'Instituto Reacao, le centre de judo dans lequel elle a été envoyée jeune par ses parents pour l'éloigner des rues ravagées par la criminalité de la Cidade de Deus, mais celui-ci a connu six mois assez difficiles. L'université dans laquelle était hébergé le centre a en effet été contrainte de fermer en début d'année par manque de financements.
"Nous sommes maintenant dans une autre université et nous reconstruisons notre espace. C'est encore désordonné et désorganisé mais nous créons un meilleur lieu", explique Rafaela Silva. "Tout devrait être prêt d'ici la fin de l'année."
Seule Brésilienne à avoir jamais remporté une médaille d'or olympique et être championne du monde en judo, Rafaela Silva est heureuse car aujourd'hui son exemple a un impact clair sur les habitants de Rio.
"Le nombre de personnes intéressées par le judo a considérablement augmenté. Bon nombre de personnes demandent également leur transfert à Reacao pour s'entraîner avec nous. J'ai réussi à décrocher une médaille d'or olympique, cela montre que d'aucuns peuvent participer aux Jeux Olympiques et au moins cela permet de voir que tout un chacun a la même structure et les mêmes chances."
À la Cidade de Deus, la favela rendue célèbre par le réalisateur Fernando Meirelles dont le film du même nom a été nominé aux Oscars et dans laquelle la moitié de la famille de Rafaela Silva vit toujours, la vie quotidienne a également reçu un coup de pouce depuis les Jeux Olympiques.
Ainsi que l'indique Rafaela Silva : "Avant, il y avait pas mal de confusion, des gens se baladaient armés dans les rues et c'était très triste à voir et on essayait de ne pas trop s'en mêler. Mais depuis, ce genre de situations a fortement diminué."
Il y a un autre domaine marqué par le changement dans la vie de Rafaela Silva, une transformation qui peut-être signifie beaucoup plus pour les autres que pour elle-même. Au lendemain de sa médaille d'or, Rafaela Silva a publiquement fait part de son homosexualité.
Après avoir vécu de nombreuses années une longue relation et heureuse et entourée par sa famille et ses amis, cela "ne faisait pas vraiment de grande différence". Pourtant, pour ses jeunes compatriotes, cette étape a certainement été profondément positive.
Étant donné tout ce qu'elle a réussi ces douze derniers mois, sans oublier tout ce qu'elle projette en dehors, c'est à la fois touchant et pas surprenant d'entendre Rafaela Silva confier son objectif à long terme.
"Mon but ultime est de remporter une autre médaille d'or à Tokyo en 2020." Et de conclure : "Je veux revivre à nouveau la montée sur la plus haute marche du podium."
Qui pourrait l'en blâmer ?