Tir à la carabine : Virgnia Thrasher ouvre le bal, Niccolo Campriani réalise le doublé
L’Américaine Virginia Thrasher a remporté la toute première des 306 médailles d’or des Jeux de Rio 2016, au matin de la première journée de compétition. Les épreuves de tir à la carabine à Deodoro ont été marquées par le joli doublé, à 10 m et à 50 m 3 positions, de l’Italien Niccolo Campriani.
Samedi 6 août, vers 10 h 30, l’adolescente américaine Virginia Thrasher (19 ans) a fait une entrée fracassante sur la scène olympique en s’imposant en finale du tir à la carabine 10 m sur le stand de Deodoro pour s’adjuger la première médaille d’or des Jeux Olympiques de Rio!
23e au classement mondial, mais si brillante qu’elle a obtenu haut la main sa sélection en équipe olympique de tir des États-Unis, Virginia Thrasher a créé une belle surprise en prenant le meilleur sur la Chinoise Du Li, championne olympique en 2004 et 2008, et sortie première des qualifications, sous les yeux du président du CIO Thomas Bach, venu assister à la compétition. Le champion olympique du fleuret par équipes de 1976 a ensuite remis les médailles aux trois premières de cette épreuve inaugurale.
L’étudiante de West Virginia a fait preuve d’une solidité à toute épreuve, en arrachant la victoire sur le dernier tir pour terminer avec un total de 208,0 (record olympique), un point devant Du (207,0). Un duel final de toute beauté sur le pas de tir de Deodoro! La finale se déroulait selon un nouveau système dit « à l’Australienne », où les tireurs les moins bien classés sont éliminés tour à tour, jusqu'à ne laisser que deux tireurs en lice pour l'or.
« Je suis si heureuse de lancer les Jeux de Rio avec une médaille d’or pour mon pays!, s’est félicitée Virginia Thrasher. Pour moi cet été, ça a été un véritable tourbillon. J’ai voyagé dans le monde entier tout l’été et ici, c’est la cerise sur le gâteau! » L’Américaine était sortie 6e des qualifications pour entrer parmi les huit finalistes. « Je savais que c’était réaliste d’atteindre la finale, mais je n’étais pas concentrée sur ça. Je voulais seulement tirer à mon meilleur niveau… et ça m’a amenée là ! »
Virginia Thrasher s’est rapidement détachée en finale : « Je pense que c’est en prenant la tête en finale que j’ai compris qu’il y avait des possibilités. Mais je me suis rapidement reconcentrée sur mon tir. » Dans son premier tir de la finale, la jeune Américaine a en effet réussi le meilleur score de toute la compétition, un 10,9. « Je me suis dit ‘Oh non !’ C’est vraiment difficile de revenir après un tir pareil! »
Du Li, pour sa part, faisait son retour en compétition après avoir arrêté durant deux ans. « Je ne m’attendais pas à si bien faire. C’est difficile parce que les règles ont changé, il faut que je m’y habitue. Ma famille m’a beaucoup soutenue. J’ai une petite fille de six ans et je n’ai pas assez de temps à lui consacrer. Je suis un peu déçue, mais je suis très fière de moi ! »
La Chinoise Yi Siling, qui avait remporté le titre à Londres en 2012, a pris la médaille de bronze avec un total de 185,4. « Ca n’a pas été facile, a-t-elle déploré. Je ne suis pas en très bonne condition et j’ai eu du mal dans mes mouvements. C’est psychologique. »
Une deuxième médaille d’or pour Niccolo Campriani
L’Italien Niccolo Campriani, 28 ans, sacré champion olympique à la carabine 3 positions à Londres en 2012, et médaillé d’argent à 10 m, a fait mieux dans cette dernière discipline le 8 août, en s'imposant dans le duel final devant l'Ukrainien Serhiy Kulish, alors que le Russe Vladimir Maslennikov s’est adjugé le bronze.
Campriani est ainsi devenu le quatrième tireur double médaillé à 10 m, après le Russe Artem Khadjibekov, le Chinois Zhu Qinan et l'Allemand Johann Riederer. A noter que cette finale s'est déroulée sans le champion olympique en titre, le Roumain Alin George Moldoveanu, ni le No 1 mondial, le Chinois Cao Yifei, tous deux sortis en qualifications dans la matinée. L'Indien Abhinav Bindra, champion olympique en 2008 à Beijing, a pour sa part échoué au pied du podium, juste devant le détenteur du record du monde de la spécialité, le Hongrois Péter Sidi.
Campriani, reconnaissable à son crâne rasé, a finalement connu la réussite à sa troisième tentative à 10 m aux Jeux. Sacré meilleur tireur de l’année 2012, il a commencé son concours doucement, s’installant en tête alors qu’il ne restait plus que trois tireurs en lice et cinq tirs à effectuer dans le stand de tir couvert. En finale face à Kulish, Campriani a réussi un 10,6, puis un 10,7 pour battre son adversaire de 1,5 point avec un record olympique en finale de 206,1.
Le Florentin Niccolo Campriani forme un beau couple olympique avec sa compagne Petra Zublasing, également en lice dans les épreuves de carabine à Rio. Tous deux avaient gagné le tir à la carabine par équipes mixtes lors des Jeux Européens de Bakou en 2015 !
« Aujourd’hui, j’ai essayé de garder autant de pensées heureuses que possible. La peur attend toujours dans un coin, a expliqué Niccolo Campriani. À la fin, il s’agissait vraiment pour moi de trouver quelque chose de positif et d’heureux pour pouvoir tenir le coup. Mes parents m’ont beaucoup aidé ces quatre dernières années, mais je ne vais pas donner de détails, je ne veux pas pleurer ! »
Serhiy Kulish a beaucoup apprécié la finale. « Je ressens un sentiment étrange, mais je pense que demain, je vais me réveiller et réaliser ce qui s’est passé. J’ai aimé cette finale. Je pense que j’ai réussi tout ce que je voulais faire. Jusqu’au 13e tir, j’étais en tête mais peut être me suis-je trop soucié, et j’ai terminé deuxième. »
Vladimir Maslennikov, lui, a trouvé le truc pour aller jusqu’au podium : « Avec mon entraineur, j’ai fait des exercices de logique, parce que ça contribue à détourner mon attention de la compétition et ça me calme. »
La quatrième est la bonne pour Barbara Engleder au tir à 50 m trois positions
L’Allemande Barbara Engleder s’est parée d’or, le 11 août à l’issue d’une finale très disputée à la carabine 50 m trois positions. Sa première médaille, et la plus belle, pour sa quatrième et peut-être ultime participation aux Jeux Olympiques.
Barbara Engleder, 33 ans, est restée aux avant-postes durant toute la compétition, tir en position genou à terre, couché et debout, pour un score total de 458,6 qui l’a vu terminer l’épreuve avec un record olympique et seulement 0,2 points de marge sur la Chinoise Zhang Binbin, laquelle disputait pour sa part ses premiers Jeux. La compatriote de Zhang et favorite Du Li, championne olympique à Beijing en 2008, a pris le bronze après avoir bataillé avec Engleder, et avoir même fait mieux qu’elle dans la partie tir debout de l’épreuve, avant d’être éliminée sur les ultimes tirs, laissant Zhang contester la victoire à Barbara Engleder.
Engleder, soldate dans l’armée allemande et mère d’un petit garçon, ne savait pas à quel point elle était proche de sa rivale au bout du suspense. Elle a obtenu un décevant 9,0 sur son dernier tir, tandis que Zhang claquait un 10,4, mais tous les points accumulés par l’Allemande lui ont permis de conserver sa première place. Quand elle a réalisé que l’or était à elle, elle est tombée à genoux, incrédule.
Sur le podium, Barbara Engleder a écarté les bras, comme la fameuse statue du Christ Rédempteur qui contemple Rio du haut du Corcovado, et quand l’hymne allemand a commencé à retentir, l’intensité du combat pour la victoire lui est revenue à l’esprit. « D’abord, je ne pouvais pas y croire, ensuite, je ne savais pas si je devais commencer à chanter. Alors j’ai chanté », a-t-elle expliqué.
Zhang, 27 ans, a raconté qu’elle était vraiment nerveuse au moment de disputer ses premiers Jeux Olympiques. « Tout ce que je me suis dit, c’est de faire un tir précis, de faire tous les tirs avec précision. Mais je ne pense pas que mon dernier tir était assez bon.»
Barbara Engleder, qui n’avait jamais fait mieux que sixième aux Jeux Olympiques (à Londres 2012), a expliqué qu’il était temps pour elle de raccrocher sa carabine. « Ce sont mes derniers Jeux et peut-être ma dernière compétition de tir. Je suis assez âgée maintenant. J’ai presque 34 ans et mon fils a besoin d’une vie stable, ce qui n’est pas ce que je lui offre en ce moment. »
Henri Junghaenel domine le tir couché à 50 m
Le débutant allemand Henri Junghaenel a remporté la deuxième médaille en tir pour l’Allemagne à Deodoro en dominant le 12 août la finale du 50 m couché. S’étant faufilé en finale en prenant la 8e et dernière place des qualifications, le tireur allemand de 28 ans, ancien étudiant de l’université du Kentucky, s’est ensuite rapidement détaché en tirant plusieurs 10,8, tout proche de la marque parfaite de 10,9. Kim Jong-hyun de la République de Corée a gagné sa deuxième médaille d’argent olympique avec un 10,9 magique en tir de barrage face au Russe Kirill Grigoryan, laissant le bronze à l’athlète de 24 ans qui remporte toutefois la première médaille de son pays dans cette épreuve.
Junghaenel a terminé en finale avec 209,5 points en 20 tirs, 1,3 point devant Kim, et à proximité de son record du monde en finale signé en 2013 (211,2). Quand il a réalisé que la médaille d’or était à lui, l’Allemand a sauté, malgré le poids de ses vêtements spéciaux servant à se stabiliser dans la compétition, et a brandi son fusil en l’air pour fêter sa victoire.
Après quatre années d’entraînement intensif pour préparer les Jeux, Henri Junghaenel a expliqué qu’il était parvenu en finale furieux de ses tirs « stupides » en qualifications et qu’il s’était dit qu’il lui fallait absolument tout remettre en place. « Au début de la finale, j’étais vraiment nerveux et j’ai été content de voir que mes tirs marchaient tout de même très bien, » a-t-il révélé. Il a aussi expliqué que la victoire de sa compatriote Barbara Engelder au 50 m trois positions « lui [avait] enlevé un peu de pression ».
Henri Junghaenel a estimé qu’il devait la plupart de ses victoires à ses années à l’université d’où il est sorti diplômé en ingénierie mécanique. « Les conditions d’entraînement sont parfaites aux États-Unis. Je pense que cela aide également beaucoup d’avoir quelque chose en tête en dehors du tir sportif, a-t-il dit. L’association de l’université et du tir, c’était tout simplement impeccable. »
Niccolo Campriani, prince du centre olympique de tir de Deodoro!
En or à 10 m, au premier jour des compétitions masculines à la carabine de Rio 2016, Niccolo Campriani a conservé le 14 août, sa couronne dans l’épreuve 50 m 3 positions. Le centre de tir de Deodoro est devenu son jardin! Avec 458,8 points, Campriani, longtemps mené par le Russe Sergeï Kamenskiy (458, 5 pts), a finalement raflé l'or au dernier tir, en claquant un 9,2 dans un final haletant quand son adversaire n’a réussi qu’un 8,3. Campriani avait déjà tremblé en qualifications (8e). Le Français Alexis Raynaud (448,4 pts), âgé de 21 ans seulement, s'est adjugé la médaille de bronze.
Kamenskiy s'était pourtant promené lors du tour de qualifications, en terminant à la première place, en 1 h 35 minutes sur les 2 h 45 allouées, avec un score de 1184 points, à deux points donc du record du monde.
« Le dernier tir est le dernier pour tout le monde, a expliqué Niccolo Campriani, Pas seulement pour moi. J’ai quelques mauvais souvenirs et c’est dur pour tout le monde. Je suis désolé de ce qui est arrivé à Sergeï Kamenskiy aujourd’hui, mais j’aurais pu aussi finir médaillé d’argent, j’étais déjà content de ma performance. L’or, c’est presque trop! »
Et d’ajouter : « C’est quand même fou. Kamenskyi avait pris une large avance en qualifications. Je pense qu’il était le meilleur tireur aujourd’hui. Mais ce sont les règles. En finale, on repart à zéro. » C’est là que le désormais triple champion olympique a prévalu au bout du suspense.
L'énorme surprise est venue de l'élimination de l'Américain Matthew Emmons, No 1 mondial mais à la dérive lors des qualifications (19e). Emmons, âgé de 35 ans, est décidément maudit du rendez-vous olympique dans sa discipline de prédilection : s'il a tout de même été récompensé d'une médaille de bronze à Londres 2012, il avait terminé à la 4e place à Beijing en 2008 en ratant totalement son dernier tir, et 8e à Athènes 2004 en tirant dans la cible de son voisin.
« Cette médaille d’or est très différente », a dit Niccolo Campriani en comparant son titre avec celui gagné une semaine plus tôt. « Aujourd’hui, j’ai atteint la finale d’un rien. J’étais à la huitième place. J’ai eu beaucoup de chance d’accéder à la finale du jour. C’est juste que je n’avais plus d’énergie. C’est ma troisième finale en trois compétitions, et regarder ma petite amie tirer, ce n’était pas facile non plus ! » Niccolo Campriani a en effet vu sa compagne Petra Zublasing participer à la même compétition féminine à trois positions où elle a pris la 4e place.
« Maintenant, c’est terminé, je suis en vacances. C’est à ça que j’ai pensé. Je suis si fatigué ! Seize années de tir sportif! C’était probablement ma dernière compétition. J’ai des tonnes de super souvenirs, c’est le dernier d’une longue série et je remercie tous ceux qui ont rendu ça possible», a ajouté Niccolo Campriani.
Alexis Raynaud, invité surprise sur le podium, a mené une très belle finale. « On venait pour gagner, pas pour faire de la figuration, a dit le Français vice-champion d'Europe. C'était clair et net, je voulais être prêt pour 2016 et pas pour 2020. Je n'ai pas envie de perdre du temps. J’ai fait des sacrifices et je voulais que ça paie maintenant. Je travaille autant que les autres. J'ai moins d'expérience que les anciens mais je suis peut-être plus fou! »